Prévention des déformations crâniennes positionnelles (DCP) et mort inattendue du nourrisson

RECOMMANDATION DE BONNE PRATIQUE – Mis en ligne le 05 mars 2020

 

Quels sont les objectifs de cette fiche mémo ?

  • Renouveler les mesures de prévention de la mort inattendue du nourrisson ;
  • Développer la prévention primaire en maternité sur la mort inattendue et la déformation crânienne positionnelle du nourrisson ;
  • Réduire la survenue des déformations crâniennes positionnelles chez les nourrissons.
  • Harmoniser les pratiques professionnelles ;

Cette fiche mémo a été réalisée dans le cadre d’un partenariat HAS – Conseil National Professionnel de Pédiatrie (CNP-P).

 

 À qui s’adresse cette fiche mémo ?

  • A tous les professionnels, en contact avec les parents et les familles, qui prennent en charge les nourrissons en ville ou dans le cadre des établissements de soins publics ou privés. : aide-soignant(e), assistante maternelle, auxiliaire de puériculture, infirmier(e), kinésithérapeute, médecin généraliste, ostéopathe, pédiatre, psychomotricien(ne), puériculteur(trice), sage-femme, technicien d’intervention sociale et familiale, …

 

 Quels sont les messages clés ?

  • Le couchage à plat sur le dos strict pour le sommeil est recommandé pour prévenir la mort inattendue du nourrisson (MIN). Le principal facteur de risque de la MIN est le couchage en position ventrale ;
  • Les DCP sont de bon pronostic. Aucune donnée actuelle de la littérature ne permet de conclure à un lien de causalité entre DCP et retard neuro-développemental, troubles spécifiques ophtalmologiques, oculomoteurs, ou vestibulaires ;
  • Le principal facteur de risque des déformations crâniennes positionnelles (DCP) est la limitation de la motricité libre et spontanée du nourrisson par défaut de mobilité propre ou par contrainte environnementale externe ;
  • L’examen clinique est habituellement suffisant pour poser le diagnostic de DCP. L’imagerie est rarement nécessaire ;
  • Il est possible de prévenir la survenue des DCP en préservant la mobilité libre et spontanée du nourrisson, tout en respectant les recommandations de prévention de la MIN. Aucune intervention de soins préventive n’est nécessaire ;
  • Dans les DCP constituées associées à un défaut de mobilité cervicale, l’association précoce de recommandations positionnelles et de kinésithérapie à orientation pédiatrique est l’intervention de choix.

 

 

Rappel des facteurs de risque et de la prévention de la mort inattendue du nourrisson

 

Facteurs de risque

Le principal facteur de risque est le couchage en position ventrale (risque d’enfouissement, d’hyperthermie et de confinement respiratoire) et latérale (risque de basculement sur le ventre).

Les matériels de contention (cale-bébé, cale-tête, coussin de positionnement, réducteur de lit, etc.) sont inutiles, délétères et dangereux car ils peuvent favoriser le retournement ventral et augmentent le risque de décès asphyxique par enfouissement.

Les objets (doudous, peluches, couettes, couvertures, etc.) pouvant recouvrir, étouffer ou confiner l’enfant sont à proscrire.

Tous les tours de lit sont dangereux car ils confinent l’air inhalé par l’enfant et augmentent le risque d’enfouissement et d’hyperthermie.

 

Mesures de prévention

Il est recommandé de coucher systématiquement le nourrisson sur le dos dans un lit adapté :

  • sur un matelas ferme dans un lit à barreaux, installé dans une turbulette adaptée, sans oreiller ni couette ni couverture, avec une température ambiante modérée (18-20°) ;
  • idéalement dans la chambre des parents les 6 premiers mois de vie ;
  • sans partage du lit parental ;
  • sans exposition au tabac.

Les consignes de prévention de la MIN font l’objet d’un consensus scientifique1,2,3.

 

Définition et diagnostic des déformations crâniennes positionnelles (DCP)

Les DCP sont des déformations acquises du crâne sans synostose, secondaires à des facteurs biomécaniques externes de compression ou de traction.
L’examen clinique et neuromoteur complet est suffisant pour évaluer une DCP (figure 1) et éliminer une craniosynostose (figure 2).
L’imagerie est rarement nécessaire et n’est pas recommandée en première intention.
Il est recommandé pour le praticien de regarder le sommet de la tête, vu de dessus, d’examiner la position des oreilles, et de noter la position des pommettes afin de rechercher les formes typiques de DCP.
Trois grands types de DCP sont décrits lorsqu’on regarde le contour du crâne par-dessus : les plagiocéphalies frontooccipitales et les plagiocéphalies occipitales qui sont des déformations asymétriques, et les brachycéphalies postérieures qui sont des raccourcissements antéro-postérieurs du crâne (figure 1).
Dans la forme typique de plagiocéphalie positionnelle (figure 1), le crâne vu de dessus a une forme de parallélogramme associant un aplatissement unilatéral pariéto-occipital, un déplacement antérieur de l’oreille homolatérale à l’occiput aplati, une bosse homolatérale frontale et une proéminence de la pommette homolatérale. De face, la fente palpébrale est plus ouverte du côté de la bosse frontale. L’autre forme de plagiocéphalie positionnelle se présente avec un aplatissement occipital sans déformation frontale (figure 1).
Si la déformation occipitale est bilatérale et symétrique, avec un élargissement transversal du crâne, voire une compensation du vertex vers le haut, il s’agit d’une brachycéphalie postérieure (figure 1).
Des combinaisons de DCP peuvent exister.

Figure 1 plagiocephalie                    Figure 2 Craniosynostose

 

Le diagnostic de l’asymétrie crânienne en général, et de la DCP en particulier, doit être recherché dès l’examen de la naissance et à chaque visite de contrôle jusqu’à l’âge de 1 an, la DCP apparaissant le plus souvent secondairement.

Les classifications de la sévérité ne font pas consensus actuellement ; les plagiocéphalies fronto-occipitales sont les plus à risque d’entraîner des conséquences fonctionnelles.

Une évaluation de la mobilité cervicale doit être faite pour confirmer ou exclure la présence d’un torticolis (inclinaison latérale de l’extrémité céphalique et rotation du côté opposé).
Il existe deux grandes formes de torticolis :

  • le torticolis postural, attitude préférentielle en inclinaison latérale céphalique et rotation du côté opposé, intermittente mais sans limitation à la mobilisation passive controlatérale ;
  • le torticolis musculaire congénital, attitude permanente en inclinaison latérale céphalique et rotation du côté opposé avec limitation à la mobilisation passive controlatérale.

Une stimulation sensorielle, visuelle, tactile et auditive, permet de tester la symétrie et l’amplitude de la rotation cervicale active (test de poursuite oculaire « oeil de boeuf » ou d’une cible contrastée ou test de la chaise)4.

 

Facteurs de risque des déformations crâniennes positionnelles

Les facteurs de risque doivent être recherchés dès la naissance.

Facteurs périnatals :

  • situation obstétricale à risque de DCP (oligoamnios, primiparité, grossesse gémellaire, présentation en siège, extraction
    par voie instrumentale) ;
  • alitement prolongé de la mère durant la grossesse.

Facteurs liés à la mobilité spontanée du nourrisson :

  • prématurité, syndromes malformatifs, troubles du neurodéveloppement, déficits sensoriels, ou torticolis musculaire ;
  • déséquilibre d’organisation motrice : postures asymétriques, perturbation du réflexe tonique asymétrique du cou (escrimeur), côté préférentiel de la tête, torticolis postural, troubles du tonus axial (hypotonie ou hypertonie).

Il est important d’être particulièrement attentif au développement des nourrissons. Une DCP peut être un signe d’appel d’un trouble tonico-moteur sous-jacent.

Facteurs environnementaux :

  • déficit d’interactions entre le nourrisson et les adultes qui s’en occupent (parents et entourage) ;
  • éveil sensoriel inadapté à l’enfant (par exemple : fixation permanente visuelle par un mobile ou sonore, etc.) ;
  • contention physique avec contraintes externes : siège-coque, cale-tête, cale-bébé, coussin anti-tête plate, cocon, coussin de positionnement, matelas à mémoire de forme, réducteur de lit, transat, balancelle, hamac, etc.

 

Complications possibles de la déformation crânienne positionnelle

Aucune donnée de la littérature ne permet de conclure à un lien de causalité entre DCP et retard neurodéveloppemental, troubles spécifiques ophtalmologiques, oculomoteurs, ou vestibulaires.
Seuls les troubles de l’articulé dentaire avec latéromandibulie, les troubles posturaux (risque de rétraction musculaire) peuvent être retrouvés dans les formes sévères de plagiocéphalie fronto-occipitale.
Dans les formes plus prononcées et en l’absence d’une prise en charge adaptée et précoce, les retentissements morphologiques ou esthétiques peuvent persister.

 

Prévention primaire des déformations crâniennes positionnelles

La prévention repose sur le principe de respect de la motricité libre et spontanée du nourrisson.
Les mesures de prévention doivent être expliquées dès la période anténatale, lors du séjour en maternité et durant les premiers mois de vie.
Tous les professionnels intervenant auprès des nourrissons et leurs familles devraient connaître ces mesures de prévention.

 

En anténatal

  • Il est recommandé pour tous les professionnels, notamment dans le cadre de la préparation à la naissance et à la parentalité, d’inciter à l’aménagement d’un environnement sans risque pour le nourrisson et favorisant le respect de son activité motrice spontanée pendant le sommeil et l’éveil.
  •  Il faut expliquer aux futurs parents l’effet délétère de tous les dispositifs de contention (cf. facteurs de risque) qui favorisent la survenue d’une DCP en limitant la motricité spontanée des nourrissons, et augmentent le risque de MIN par enfouissement.
  • L’allaitement maternel doit être encouragé. Il est un facteur de protection contre la MIN et contre la DCP.

 

Après la naissance

  • Une évaluation, non seulement de la symétrie des compétences neuromotrices globales du nouveau-né, mais également des facteurs de risque de DCP, doit être réalisée avant la sortie de la maternité, et à chaque examen clinique.
  • Il est recommandé de renouveler aux parents des conseils personnalisés et adaptés à leur nourrisson, surtout pendant les 6 premiers mois de vie lorsque le crâne est le plus malléable, et à chaque entretien ou consultation ultérieure.
  • Il est recommandé de respecter en toute situation la position neutre de la tête en évitant toute posture en hyperextension ou hyperflexion du cou.
  • Il est recommandé d’adresser les enfants présentant un torticolis postural ou musculaire vers un kinésithérapeute à orientation pédiatrique.

 

Quand le nourrisson est éveillé

  • Il est recommandé de favoriser les temps d’interactions de qualité entre les adultes et le nourrisson.
  • Il est recommandé de varier les postures et d’encourager les rotations spontanées de la tête du nourrisson par des sollicitations sensorielles (tactiles, visuelles, auditives) à adapter en fonction de l’âge. Les postures ventrale et latérale peuvent être explorées lors d’échanges privilégiés avec l’adulte. Du fait du risque d’enfouissement, le nourrisson doit être surveillé en permanence lors des phases d’éveil sur le ventre.
  • Le développement optimal du nourrisson nécessite qu’il soit positionné sur le dos sans oreiller ni couette ni couverture, dans un environnement facilitant une activité motrice spontanée (tapis ferme au sol avec des jouets positionnés autour de lui, en évitant les arches de jeu et les « mobiles » qui fixent son attention).
  • Il est recommandé de favoriser le portage du nourrisson dans les bras ou en écharpe, en respectant le dégagement permanent des voies aériennes, l’enroulement du bassin et la variation de posture.
  • Dans la gestuelle du quotidien, il est recommandé de favoriser l’enroulement des ceintures (bassin, épaules).

 

Quand le nourrisson dort

  • Le nourrisson doit être couché systématiquement sur le dos dans un lit adapté.
  • Il est recommandé d’alterner régulièrement la position du bébé vers la tête ou le pied du lit, afin d’encourager la rotation spontanée de sa tête d’un côté à l’autre.

 

Prise en charge des déformations crâniennes positionnelles (DCP) constituées

Les recommandations positionnelles et de kinésithérapie sont les interventions de choix chez la plupart des nourrissons présentant une DCP associée à un défaut de mobilité cervicale. Elles doivent être mises en oeuvre le plus précocement possible.

En général, la mobilité cervicale s’améliore plus rapidement que la DCP, si les mesures appropriées sont mises en place précocement.

Des mesures anthropométriques simples sont utiles pour mesurer l’évolution d’une DCP.

 

Recommandations positionnelles

  • Dès que la DCP est diagnostiquée, il faut éviter l’appui de la partie aplatie de la tête tout en favorisant la mobilité du nourrisson.
  • Le repositionnement doit toujours respecter les mesures de prévention de la MIN.
  • Il est recommandé de poursuivre les mesures de prévention primaire des DCP ou de les mettre en place sans délai.
  • À l’éveil, Il est recommandé que les adultes accompagnent (y compris au sol) le nourrisson dans des postures et des explorations sensorielles actives du côté opposé à l’aplatissement, au cours des interactions, par des mobilisations douces et indolores.

 

Kinésithérapie

  • La kinésithérapie doit être prescrite systématiquement en cas de défaut de mobilité cervicale, en complément des conseils de repositionnement chez le nourrisson présentant une DCP constituée.
  • Une ordonnance type pour rééducation neuromotrice d’une asymétrie posturale doit spécifier les éléments suivants : indication médicale, organe cible, localisation, objectifs des soins.
  • Plus le traitement est prescrit tôt (durant le premier mois de vie), plus les chances de normalisation sont importantes.

 

Ostéopathie

  • Actuellement les données scientifiques ne permettent pas de recommander l’ostéopathie. Une approche ostéopathique à orientation pédiatrique peut être associée à la kinésithérapie en deuxième intention dans le cadre d’une prise en charge pluri-professionnelle.

 

Orientation vers une équipe spécialisée et place de l’orthèse crânienne

  • En cas d’absence d’amélioration de la déformation crânienne après une prise en charge adaptée, une orientation précoce (fin du premier semestre) par le médecin qui suit l’enfant vers un centre de compétences ou de référence
    des malformations cranio-faciales5 est recommandée.
  • Ces centres spécialisés pour la prise en charge des anomalies cranio-faciales intègrent un neurochirurgien, un chirurgien maxillo-facial ou un chirurgien plastique pédiatriques.
  • L’indication d’une orthèse crânienne est exceptionnelle et ne peut être posée que par ces équipes, seules à même d’évaluer la balance bénéfice-risque pour l’enfant.

 

1. American Academy of Pediatrics, Moon RY. SIDS and other sleep-related infant deaths: evidence base for 2016. Updated recommendations for a safe infant sleeping environment. Pediatrics 2016;138(5).
2. American Academy of Pediatrics Task Force on sudden infant death syndrome. SIDS and Other Sleep-Related Infant Deaths: Updated 2016
Recommendations for a Safe Infant Sleeping Environment. Pediatrics. 2016 ; 138(5).
3. Naître et vivre, Briand-Huchet E. La prévention de la MIN et la plagiocéphalie. 2017. http://naitre-et-vivre.org/plagiocephalie-couchage-dos.
4. Le test de la chaise après 2 mois peut aider au diagnostic d’un torticolis. Le soignant s’assoit sur une chaise ou un tabouret rotatif et tient l’enfant face aux parents. Tandis que les parents tentent d’intéresser l’enfant, le soignant pivote avec l’enfant sur la chaise ou le tabouret d’un quart de tour, d’un côté puis de l’autre, et observe les mouvements spontanés de la tête de l’enfant. En l’absence de torticolis, le nourrisson devrait pouvoir tourner la tête et garder un contact visuel avec son parent.
5. Filière de santé maladies rares Tête Cou. www.tete-cou.fr